Ce week-end, grâce à mon ami et voisin Sarath, j’ai eu le privilège d’assister au mariage de son cousin. Autant vous le dire tout de suite, un mariage indien, qui plus est dans une famille de la plus haute caste : les brahmins (prêtres) n’a rien a voir avec ce que j’ai connu jusqu’alors !

Je m’excuse d’avance pour la qualité de certaines photos, mais dans un mariage indien tout le monde bouge tout le temps, difficile d’éviter le flou !

Conversation dans le train

Le mariage avait lieu en Andhra Pradesh, état d’où est originaire Sareth et sa famille, il nous a fallu nous rendre en train à Vijayawada, puis en bus à Tenali (voir carte). Autant dire que nous avons eu du temps pour discuter !

Nous en sommes rapidement arrivé à parler de mariage. Je lui fais alors part du fait qu’en France, et plus généralement dans le monde occidental, les relations hommes-femmes, qu’elles soient simplement amicales ou non, sont grandement basées sur la séduction. Ce n’est évidement pas le cas ici, et il ajoute que d’ailleurs lui-même veut être marié de façon arrangée, car il estime ne pas savoir parler axu filles et n’avoir donc aucune chance de trouver une épouse autrement.

Il m’avoue qu’une fille de sont labo est jolie, qu’elle lui plaît. Cependant il pense qu’elle n’est pas de la bonne caste. Et pire ! Elle est du Nord. « Tu comprends, ma mère et elle ne pourraient pas se parler ! Et puis, elle ne pourrait pas nous faire la cuisine ». Je lui demande pourquoi : « Tu sais dans le nord, ils ont leur bonne cuisine, mais ce n’est pas la même que la notre ».

Il me parle ensuite d’une autre fille qui, malgré qu’elle soit de peau foncée (« almost a negro ») est jolie. Mais il est attentif… il a repéré qu’elle a les yeux marrons là où tous les indiens ont les yeux noirs. C’est donc qu’elle vient des « tribues » ; autant dire tout en bas de l’échelle de la société…

Au cours du voyage, il m’explique également que dans son état, les sœurs de votre mère sont considérées comme vos mères et les frères de votre père comme vos pères. Leurs enfants sont donc vos sœurs et frères (je l’ai même entendu employer l’expression « trois de mes mères »). Par contre les autres cousins (enfant des soeurs du père et des frères de la mère) sont des vrais cousins. Et il n’est pas interdit qu’ils se marient entre eux. Bien au contraire, Sarath m’explique que son oncle devra lui proposer sa fille en premier lieu, et que seul son refus lui permettra d’aller voir ailleurs. Le contraire serait une offense.

Plus tard, il me vantera les mérites de sa cousine, une jeune fille très désirable compte-tenu du métier que fais son père. Il me dit qu’il pourrait se marier avec elle, mais que n’ayant pas encore finit son PhD, il ne s’en sent pas la capacité.

Vijayawada

Nous arrivons vers 13h le samedi dans la deuxième ville de l’Andhra Pradesh (après Hyderabad). A première vu on dirait un faubourg crasseux… Mais avec 1,5 millions d’habitant.

Nous en profitons pour acheter des cadeaux de mariage. Nous offrons deux versions différentes de statues de Krishna et son amante Radha. Très approprié et de bonne auspice pour un mariage (Sarath a appelé son père pour vérifier). Sarath insiste sur le bon choix que nous avons fait : ces deux statues (en papier mâché ?) sont grandes, et peu chère ; de plus, seuls les mariés remarquerons qu’elles sont creuses et légères…

Après ça, nous prenons un déjeuner sur une feuille de bananier. Riz et curries de légumes à volonté pour 40 Rps (70 centimes). Miam ! Puis nous partons en bus pour Tenali, où nous prenons un rickshaw non motorisé (tiré par un vélo) pour nous rendre sur les lieux du mariage.

La cérémonie

Dès mon arrivée, je suis très bien accueilli. Je rencontre tout le monde, notamment le patriarche, le grand-père de Sarath, 90 ans et en pleine forme. Il est l’homme le plus sage et le plus respectable de l’assemblée. En signe de respect, je lui touche les pieds.

Puis, quelques personnes âgées me raconte comment va se dérouler le mariage. L’un d’entre eux se navre du fait qu’à son époque le mariage durait encore cinq jours alors que celui-ci ne durera que 3 jours.

Vers 19h, la cérémonie commence par des chants. Tout le monde s’installe, et l’on m’attribue une place au premier rang, juste en face du marié. La musique est principalement vocale, accompagnée d’un violon et de deux sortes de tambours.

Et puis, elle entre. Magnifique dans sa robe multicolore, qui résonne du tintement de ses bijoux. Elle a le port altier, le regard droit ; presque hautain. La tension se lit sur son visage pendant qu’elle vient s’asseoir auprès de son futur époux. Ils échangent quelques mots, un petit rire. Ils se sont déjà rencontré auparavant.

Assis en face d’elle, je ne peux en détacher mes yeux : on la croirait sortie d’un tableau : ses mains sont peintes au henné jusqu’aux avant bras, plusieurs dizaines de bracelets s’entrechoquent à ses poignets et des bijoux l’ornent, sur chaque parcelle de sa peau. Beaucoup d’entre eux dont je n’aurais jamais soupçonné l’existence, comme, par exemple, ceux qui relient ses oreilles à sa tresse. Et sa tresse ! une guirlande de fleurs qui descend jusqu’au bassin.

Les futurs mariés montent sur scène et s’assoient dans un trône. Pour quelques heures, ils seront traités comme Rama et Sita, figures divines du couple parfait. Alors tous les invités défilent pour les féliciter ou leur donner des cadeaux. On a l’impression de voir un mariage du XIXè siècle. Ou de plus loin. La marier semble avoir le même air supérieur qu’Adjiani quand elle est Margot.

On fait une pause dîner. Clairement ce n’est pas l’attraction principale. C’est vite fait bien fait. Au fait, même ici les gens éduqués jettent la nourriture par terre plutôt que dans une poubelle…

Vers minuit, vient un des temps forts de la cérémonie. Les futurs mariés se mettent face à face, une guirlande à la main. Chaque famille, chaque clan se rassemble autour de son rejeton. Nous nous faisons face ! Pendant une grosse demi-heure, les arguments théologiques fusent pour savoir qui de Ram ou de Sita a passé la guirlande au cou de l’autre le premier. A chaque fois qu’un argument en faveur de Ram est donné, le côté du marier crie « Jai Sri Ram ! » (Vive le Seigneur Ram !) pendant que celui-ci s’avance d’un pas. Et inversement, le côté de la mariée crie « Jai Sita Ram ! ». Lorsque les mariés sont assez proches, ils se passent la guirlande au cou l’un de l’autre. Applaudissement.

 

Les astrologues avaient conjecturé que 1h58 était l’heure à la quelle ils devaient être mariés. Pour commencer, le père de la marier, avant de lui donner sa fille, lave les pieds de son futur gendre.

Puis, les deux futurs mariés sont assis en tailleur face à face. Entre eux un drap est tendu, ils ne se voient pas. Chacun est purifié par des prières. A 1H58, ils enduisent leur main d’une pâte faîte de curcuma. chacun passe sont bras sous le drap, le pose sur la tête de son conjoint. Le contact visuel se fait : ils sont mari et femme.

Puis tous les adultes en procession viennent leur jeter du riz mélangé à du curcuma dans les cheveux en signe de bénédiction.

Enfin, toujours face à face, les mariés vont faire de même : le prêtre verse une louche de riz dans les mains du marié, qui la donne à la mariée. Puis le prêtre verse une nouvelle louche dans les mains du marié. Il joint leurs mains, pose une carafe dessus. Alors, le marier déverse son riz dans les cheveux de sa femme et réciproquement. Ce rituel est répété trois fois, après quoi, les mariés se verse le reste du riz (5kg environ !) dans les cheveux, puis pelle-mêle des verroteries, des paillettes, des billes, etc…

Et à nouveau, tous les adultes viennent leur jeter du riz dans les cheveux. Et moi de même, car l’on a considéré que bien que j’étais plus jeune, étant venu de loin, j’avais le droit de les bénir.

Dans tout ce récit j’ai sûrement oublié beaucoup de prières et de bénédictions, car la cérémonie à durée de 7h du soir à 5h du matin. Et le lendemain, c’était reparti pour un tour de chant, de prières et de bénédiction !

Alors ? Alors c’était beau, magnifique, coloré, odorant, surprenant ! Mais un petit peu long tout de même, et puis… je crois que cela va m’inspirer quelques réflexions sur les notions de liberté et d’égalité… Mais c’était une expérience extrêmement riche !

P.S. : j’ai fais plutôt bon effet puisque la famille à conclut que si j’étais là, c’est que j’avais dû faire parti de la famille dans une vie antérieure 😀