C’est en prison, durant l’année 1944, que Nehru écrivit La Découverte de l’Inde, une histoire de l’Inde depuis la civilisation de l’Indus jusqu’à l’année 1945. Son livre est la première histoire indigène de l’Inde dont l’auteur ait à coeur de corriger les erreurs des observateurs étrangers. Il met aussi son extraordinaire érudition au service d’une analyse de l’histoire indienne, non pas pour en faire le récit événementiel même si le livre est organisé de façon chronologique – mais pour dégager les lignes de force de l’identité d’un pays qui procède de cinq mille ans de continuité culturelle. Sont ici en germe les fondements de l’Inde indépendante dont Nehru dirigera le gouvernement à partir de 1947. Cette Découverte de l’Inde, inédite en langue française, est donc riche de multiples significations qui dépassent l’effort de synthèse historique. Nehru l’arrête en 1945 en pressentant dans ses dernières phrases que « les années à venir seront vraisemblablement remplies d’orages et de chagrins, de conflits et de tumultes ». Historien, il devinait aussi l’avenir.

Dans ce livre, l’ancien premier ministre tente de reconstituer une histoire de l’Inde en insistant sur les courants de pensée et les lignes directrices de la culture indienne. C’est un livre très politique puisqu’il l’écrit en 1944, en prison. Il cherche à la fois à contrer l’idée britannique selon laquelle l’Inde aurait rencontré la civilisation lors de l’arrivée des colons anglais et l’idée d’une partition découlant d’une soit-disant naturelle différence entre hindous et musulmans, comme le professe la ligue musulmane.

Le nationalisme reste l’un des plus puissant motifs de mobilisation d’un peuple, qui cristallise autour de lui opinions, traditions, et une conscience communautaire en termes d’existence et d’objectifs

L’hindouisme est une quête inlassable de la vérité

L’idéal [en Inde] est resté celui de l’homme charitable, intrinsèquement bon, auto-discipliné et capable de se sacrifier pour le bien des autres

Peut être un critère aussi valide qu’un autre pour déterminer l’arrière plan culturel d’une nation, et son objectif conscient ou inconscient, se dégage-t-il de la réponse à cette question : à quel genre de chefs prête-elle allégeance ?

Citant Goethe : « Si les romains ont été assez grands pour inventer de telles choses, nous devrions au moins être assez grand pour les croire ».

Citant Bouddha : « Pas même un dieu ne peut changer en défait la victoire d’un homme qui s’est vaincu lui-même ».

Citant Bouddha : « Je vous ai donné une poignée de vérités, mais à côté d’elles, il y en a des milliers d’autres, plus qu’on ne peut en compter ».

L’idée nouvelle selon laquelle le plus important est de vivre dans le confort est totalement étrangère […] à toutes les littératures anciennes.

Il y a conflit [entre] l’ancienne conception hindoue du groupe comme unité de base et l’individualisme de l’Occident qui place l’individu avant le groupe.

Jamais un empire aussi vaste ne fut fondé par un seul homme au prix de si peu de sang.

Ils pouvaient toujours mourir, bien sûr. Cette échappatoire à un situation inacceptable reste toujours accessible.

La notion de race supérieure est inhérente à l’impérialisme.

La vérité, au moins, pour un individu, c’est ce que lui-même sent et sait être vrai.

Citant Vivekânanda : « L’athée, lui, est vivant, on peut en tirer quelque chose. En revanche, là où la superstition pénètre, le cerveau disparaît, le cerveau se ramollit, la dégradation s’empare de la vie.

Certains d’entre nous étaient attirés par le communisme, d’autres pas, mais nous étions tous fascinés par les progrès de l’Union Soviétique ne matière d’éducation, de culture, de santé.

Objectifs du plan (1938) :
1. Amélioration de l’alimentation
2. Amélioration de l’habillement
3. Amélioration des critères de logement (6/7 m²/pers)
De plus […] :
a) accroissement de la production agricole
b) accroissement de la production industrielle
c) diminution du chômage
d) augmentation du revenu par individu
e) suppression de illettrisme
f) multiplication des services d’utilité publique
g) aide dans le domaine des soins médicaux sur la base d’une unité pour 1000 habitants
h) allongement de l’espérance de vie

Gandhiji n’est pas un ardent partisan de l’amélioration matérielle constante de la vie quotidienne et de l’accroissement du luxe aux dépend des valeurs spirituelles et morales. Il ne voit pas la vie facile d’un œil très favorable ; pour lui, le droit chemin est le chemin ardu et l’amour du lux mène à la malhonnêteté et à la dépravation.

Une grosse machine peut, bien sûr, faire le travail de mille ou même dix mille individus. Mais si ces dix mille individus se retrouvent désœuvrés ou affamés, la mécanisation ne représente pas un apport social. […] Les machines [devraient servir] d’abord à fournir de l’embauche et non à créer un surcroît de chômage.

Il n’est jamais facile d’accorder une stricte adhésion à la vérité telle qu’on la conçoit avec les exigences et les expédients de la vie, tout particulièrement ceux de la vie politique.

Mieux vaut mourir que mener une vie misérable, sans espoirs. Une fois la mort consommée, la vie repart de plus belle, et les individus, les nations qui ne savent pas mourir ne savent pas vivre non plus. « Là où sont les tombes sont les résurrections »

Non, on a pas le droit de perdre notre foi en l’homme. On peut renier Dieu, mais quel espoir subsiste-il si l’on renie l’homme et que l’on ravale tout au rang de futilité ?

[La seconde guerre mondiale vient du] conflit inévitable entre l’idéal démocratique et une structure sociale qui s’y oppose.

Il serait absurde de prétendre que le profit n’est pas une force qui motive l’indien moyen, mais il n’en est pas moins vrai que l’admiration suscitée par le profit n’atteint pas en Inde les même proportions qu’en Occident. Celui qui possède de l’argent peut être envié, mais il n’éveille aucun respect particulier, aucune admiration. Respect et admiration vont encore aux hommes et aux femmes qui sont considérés comme bons et sages et en particulier à ceux qui sacrifient ce qu’ils possèdent au bien de la société.

Citant Aristote : « N’obéissons à aucun prix à ceux qui nous pressent, sous prétexte que nous sommes humains et mortels, d’avoir des pensées humaines et mortelles ; dans la mesure du possible, nous devons, au contraire, pratiquer l’immortalité, et ne négliger aucun effort pour vivre en accord avec le meilleur de nous-même.