Très accessible grâce à la traduction limpide d’Alain Porte, La Bhagavad-Gîtâ – le Chant du Bienheureux – perle du milieu dans le collier du Mahâbhârata, nous initie aux fondements de la pensée indienne.

La Bhagavad-Gîtâ est un passage du Mahabharata : Arjuna, héros des Pandava fait face à son armée et à celle des Kaurava, ses ennemis et frères…

Devant l’idée de faire couler le sang de sa propre famille, de ses anciens maîtres d’armes, la volonté d’Arjuna fléchit. S’en suit un dialogue, sur les fondements de l’existence, avec son cocher, Krishna, qui se révèle être un incarnation de Vishnou, Dieu suprême.

Krishna :
« Jamais je n’ai été sans être, ni toi non plus,
ni ces princes ni ces hommes,
et jamais ne viendra le temps où nous cesserons
d’avoir un existence. »

« Ce qui est né doit mourir, ce qui est mort
doit renaître.
Aussi devant l’inéluctable,
tu n’as nul lieu de pleurer. »

« Il t’appartient d’agir sans jamais un regard
pour les fruits de l’action.
Ne fais jamais de l’action ton mobile,
mais ne sois pas non plus attaché
à la non-action. »

« Celui dont la pensée n’est pas troublée par les souffrances,
qui n’a aucun désir pour le plaisir,
qui n’a ni peur, ni passion, ni colère,
on dit que c’est un sage
possédant la lumière. »

« C’est en posant sa pensée sur les objets sensibles
que s’attache à eux l’homme.
Le désir naît de ces attaches,
la colère surgît du désir,

Le trouble naît de la colère,
et la confusion naît du trouble,
le confusion met fin à la conscience,
et c’en est fini de l’homme. »

« Mais l’homme, en vérité, qui fait de sa réalité intime
le terme de lui-même,
heureux en lui et par lui-même,
n’a rien à accomplir. »

« C’est le désir, né de la fièvre de l’action,
c’est lui le grand vorace, le grand malfaisant ;
ici-bas, sache-le,
c’est lui l’ennemi. »

« Celui qui voit la non-action dans l’acte,
et l’acte dans la non-action,
c’est lui le clairvoyant parmi les hommes.
Intérieurement détaché,
Il accomplit totalement l’action.

Celui dont toutes les actions sont vides
de tout ce que modèle le désir,
et dont les actes
sont alors consumés par le feu de la connaissance,
cet homme, les gens avis le nomment un sage.

Celui qui n’a aucune attache avec le fruit de ses actes,
sans cesse heureux, libre de toute inclination,
même s’il est présent tout entier dans l’action,
en vérité n’accomplit rien.

Libre de tout désir, maître de sa pensée,
n’ayant rien a posséder,
ce n’est que par son corps qu’il accomplit l’action,
il n’encourt aucun mal. »

« De même qu’un feu allumé réduit en cendres
le combustible, de même
le feu de la connaissance
réduit en cendres toute action. »

« C’est par la foi que l’on obtient
la connaissance,
quand on en fait son but,
quand on est maître de ses sens.
Et quand on a acquis la connaissance,
on parvient sans retard à la sérénité ultime. »

« Renoncer à l’action, agir avec détachement,
tous deux conduisent au bien suprême.
C’est du renoncement à l’action que provient
le détachement dans l’action. »

« La connaissance et l’action,
les enfants les voient différentes,
mais pas les sages.
Il suffit d’être engagé tout entier dans l’une pour obtenir le fruit des deux. »

« En effet, les plaisirs issus des sens
ont, en réalité, pour creuset la souffrance.
Ils ont un début et ils ont une fin, Arjuna ;
nu homme avisé ne s’y arrête. »

« Il faut se soutenir en soi
plutôt que de s’affaisser dans le doute.
En vérité, on est son propre ami
tout comme on est son ennemi.

Maître de soi, on est son propre ami
mais, en état d’hostilité pour ce qui n’est pas soi,
on se conduira envers soi
comme son ennemi. »

« Ils sont de quatre sorte, Arjuna, les êtres ux actes justes
qui ont part à ce que je suis :
l(homme livré au destin, l’homme qui désire connaître,
l’homme qui a pour but la richesse
et l’homme empli de connaissance. »

« L’argent, l’action et l’acte,
la nature en est cause.
Mais qu’il y ait quelqu’un
pour percevoir plaisir et souffrances,
la cause en est l’Esprit. »

« Percevoir qu’en tout ce qui existe le créateur suprême
est véritablement égal,
impérissable au sein du périssable,
c’est cela percevoir. »

« Voir d’un même oeil plaisir et souffrances,
être tout entier en soi-même,
voir que motte de terre, pierre et or
sont choses égales,
percevoir que l’agréable et l’hostile
sont choses égales
et que choses égales aussi
sont la louange et le blâme,

avoir un regard égal pour l’orgueil et l’humilité,
voir aussi un regard égal pour ennemis et amis
et renoncer au fruit de toute entreprise,
c’est cela, Arjuna, être au delà
des éléments de la matière. »

« Voici la triple porte de l’enfer
qui signe la perte d’un être :
désir, colère et convoitise. »

« Il ne faut renoncer ni au geste d’offrande,
ni à l’action généreuse, ni à l’effort intérieur
[…]
Seulement, ces actions, c’est sans s’y attacher,
sans idé de leur fruit,
qu’il faut les accomplir. »

« Quand on possède un corps, renoncer à l’action
est une impossibilité.
Mais renoncer aux fruits de l’action,
c’est cela qui, en vérité, constitue
le renoncement. »

La triple forme du bonheur
« Celui qui engage toutes nos forces,
qui met un terme à la souffrance,
qui au début nous semble un poison,
mais qui, au terme, est une ambroisie,
ce bonheur est celui de l’être,
c’est un présent issu de sa propre conscience.

Le bonheur qui, d’abord, paraît de l’ambroisie,
en raison de l’union des objets et des sens,
qui, à la fin, ressemble à du poion,
ce bonheur est celui de l’activité passionnelle.

Et le bonheur qui, au début et par la suite,
est créateur de liens,
aveuglement de soi,
ne du sommeil, de l’apathie, de l’ivresse des sens,
ce bonheur vient de la pesanteur. »